“En tant qu’aveugle, tous nos repères sont chamboulés”
La période actuelle est difficile à vivre pour beaucoup de personnes malvoyantes.
- Publié le 18-04-2020 à 11h37
La période actuelle est difficile à vivre pour beaucoup de personnes malvoyantes.
La situation de crise que connaît notre pays est difficilement vivable pour beaucoup de nos citoyens. Elle est encore moins facile à vivre pour les personnes malvoyantes, qui ont perdu beaucoup de leurs repères depuis l’arrivée du coronavirus dans notre royaume.
C’est le cas de Liliane, une Bruxelloise aveugle de 43 ans. Depuis le début du confinement, la plus grande difficulté ressentie est l’isolement. "Le sentiment de solitude est encore plus prononcé qu’avant", explique cette habitante de Forest. "C’est compliqué à vivre car, si j’habite chez ma maman, je ne peux pas rencontrer d’autres membres de ma famille ou mes amis. Je connais aussi des personnes malvoyantes qui sont dans un isolement total durant cette période. Nos conditions de vie sont encore plus compliquées que d’habitude."
Pour s’occuper, Liliane écoute la radio et essaye de se tenir informée le plus possible. Elle a réduit le nombre de ses balades par crainte d’entrer en contact avec une personne infectée. "Quand on se balade dans la rue, c’est très difficile de savoir si une personne est à 1,50 mètre de vous" , avance Liliane. "On ne sait pas non plus si les gens qui vous dépassent portent un masque. On se méfie aussi beaucoup plus quand une personne doit nous aider à traverser la rue par exemple. J’essaye donc de rester le plus possible à l’intérieur. Parfois, je vais me balader avec une personne de la famille qui me sert de guide. Mais c’est impossible de garder nos distances car je dois la tenir au coude… En plus de la peur de croiser une personne contaminée, il y a aussi la crainte qu’un policier nous arrête."
Une fois par semaine, Liliane se rend à la maison communale de Saint-Gilles pour y travailler en tant que réceptionniste. Son travail n’a pas beaucoup changé depuis le début de la crise du Covid-19. Mais le trajet jusqu’à la maison communale s’est complexifié. "À la maison communale, nous faisons attention à la distanciation sociale et cela se passe plutôt bien", commente la Bruxelloise. "Mais pour y arriver, je dois prendre les transports en commun et tous mes repères sont effacés. En général, je monte à l’avant mais il faut désormais monter à l’arrière du bus. Tous nos repères sont chamboulés. J’essaye de rester au niveau des portes pour ne pas m’approcher trop près des gens qu’il pourrait y avoir dans le bus."
Des personnes qui se sentent un peu oubliées
Alors que le confinement a été prolongé jusqu’au 3 mai, Liliane se sent un peu oubliée. Pour elle, on ne parle pas assez des difficultés vécues par les personnes malvoyantes. "J’ai entendu que des mesures ont été prises pour que certaines personnes dans les centres puissent avoir de la visite" , explique Liliane. "Mais il y a énormément de personnes isolées chez elles qui ont aussi besoin de visites. Heureusement, des associations existent et permettent aux aveugles de passer un moment au téléphone avec des bénévoles. En un coup de fil, on parle alors de tout et de rien ou on peut me faire de la lecture : cela me change de mon quotidien. Je pense qu’il est important que les autorités fassent appel aux organismes qui connaissent les personnes non voyantes pour voir avec eux comment faire pour nous aider au mieux. Car cette période est vraiment compliquée à vivre pour nous."